Tomboy de Cécile Sciamma
Laure, une fillette de dix ans, emménage dans un nouveau quartier ni cossu ni défavorisé. Elle a une petite sœur, un papa et une maman, enceinte jusqu’au cou. Voilà pour la donne sociologique et psychologique.
Laure a les cheveux courts, porte un short et un débardeur et, quand elle fait connaissance avec Lisa et la bande d’enfants de son immeuble, elle dit s’appeler Michaël et se fait passer pour un garçon. D’où ce titre en anglais, ‘Tomboy’, qui signifie « garçon manqué ».
La scénariste et réalisatrice Céline Sciamma ne cherche pas d’explications à cette imposture. Elle traite ce pitch de drame intimiste comme un polar. D’ailleurs, la véritable identité sexuelle de Laure/Michaël (Zoé Héran, stupéfiante) n’est révélée au spectateur qu’au bout d’un quart d’heure, à la manière d’un twist de scénario hollywoodien.
A partir de là, on est tenu en haleine, inquiet de savoir comment la fillette va pouvoir jouer son rôle de garçon, à la manière d’une infiltrée dans un monde de mafieux. En l’occurrence, le monde des garçons, avec ses rites. Une envie de pisser dans la nature, impossible à assouvir sous peine de se dévoiler, entraîne un suspense digne de Scorsese. Une baignade collective appelle un subterfuge : un zizi en pâte à modeler fait illusion dans le maillot de bain.
Comme dans ‘Naissance des pieuvres’ et ses amours adolescentes homosexuelles sur fond de natation synchronisée, Céline Sciamma excelle à chorégraphier les corps de ses jeunes acteurs lors des matchs de foot qui rythment ces vacances d’été ludiques et ensoleillées. Quant à la romance entre Lisa et Laure/Michaël, elle rappelle que le vert paradis des amours enfantines est aussi un terrain propice à la confusion des sexes. Et fait donc de ‘Tomboy’ un film de (trans)genre délicat et troublant.